Prospérité et pauvreté éclairés par l'ironie lucide d'Émile Zola
La pauvreté — peut-on vraiment l’imaginer sans l’avoir vécue ? Écrivain engagé par excellence, Émile Zola était également doté d’un goût de la satire indéniable, dont témoignent — entre autres — quatre nouvelles issues des Nouveaux Contes à Ninon, dans lesquelles il dissèque les travers de la nature humaine. On y rencontre un matou empâté qui s’essaie à la vie trépidante de chat de gouttière (Le paradis des chats) ; une aristocrate pleine de bons sentiments pour les pauvres (Les épaules de la marquise) ; un fervent vicaire aux discours grandiloquents sur l’abnégation (Le jeûne) ; et une famille ouvrière démunie forcée à une existence de renoncement (Le chômage). Avec son sens de l’observation pointu et une ironie sans ménagement, Émile Zola dépeint la prospérité des uns et la précarité des autres et pointe les comportements maladroits et hypocrites déployés lorsqu’il s’agit de franchir ce gouffre.
Pour renforcer la teneur humoristique de ces quatre contes allégoriques, sans pour autant en désamorcer le caractère tragique, la compagnie Mokett a fait le pari de transposer l’action dans un univers animalier. Ici la marquise devient une hermine immaculée, le vicaire un pélican au large gosier et la famille affamée une tribu de souris effarouchées. Les marionnettes évoluent dans une scénographie urbaine, où la lumière sert de guide de narration en éclairant les intérieurs et les personnages, en dévoilant ceux qui d’ordinaire restent dans l’ombre et en jouant du contraste entre bonnes intentions et faux semblants.